vendredi 25 décembre 2009

Feliz Navidad


Merci pour tous ces messages de Noël. Nos pensées étaient avec vous aux pieds de chaque sapin.

De notre côté, nous avons fait entrer à bord 7 personnes au chausse-pied, quelques bonnes bouteilles et les plats les plus généreux mijotés par chacune. Notre seau favori s'est transformé pour l'occasion en seau à champagne (pas celui que vous croyez, nous en avons deux !) et il avait du boulot, par 22°C les glaçons ne sont qu'une illusion de fraîcheur.
Nous nous sommes régalés, sauf Xavier qui a perdu l'habitude des excès et qui a eu une petite faiblesse stomacale au Tiramisu ... Le médecin à bord s'est réjoui de l'ausculter.

Quand à moi, mon tout nouveau cadeau me garantit des heures de quart musicales. Un Ukulélé, j'en rêvais. Cette fois vous n'aurez pas le son, et c'est mieux pour vous !

On vous embrasse fort,
Joyeux Noël
Xavier et Laurène

PS : Depuis que j'ai reçu mon cadeau, je cherche des vidéos explicatives pour dompter mon ukulélé, et je tombe sur cet enseignement de maître... Une fois n'est pas coutume, mais la partager avec vous relève du devoir !


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dimanche 20 décembre 2009

Lanzarote et bricolage









Samedi, le 19 décembre 2009.
Cette fois il ne sera pas question de départ ni même de destination (nous sommes d'ailleurs les heureux destinataires de colis puisque nous avons une adresse depuis presque une semaine). Nous sommes donc aux Canaries depuis 15 jours et avons l'intention d'y rester jusqu'à Noël.
C'est que depuis la Turquie, c'était un peu un contre la montre pour rattraper le soleil, à présent nous sommes pile dessous donc on a moins de question à se poser...

La pause tant attendue, les plages de sables fins qui éblouissent aux pieds des roches volcaniques de l'île de Lanzarote, tel est le décor. Dans l'ordre, nous avons d'abord posé l'ancre dans l'anse de la playa blanca avant de céder à la tentation du luxe de la marina Rubicon, à un souffle de notre mouillage. (aussi un peu aidés dans notre choix par la houle qui nous faisait rouler depuis deux nuits)



Cette Marina Rubicon, un temple où la religion serait la bêtise !
Il faut savoir que le mot Marina n'a rien à voir avec le mot port, ici pas d'activités autres que le stationnement des bateaux et la circulation des euros (nous contribuons minutieusement à ce mouvement, à la mixité...de la monnaie européenne !).
Mouvement accéléré par les retraités qui dispersent gentiment leur bas de laine. Comme je l'écrivais il y a quelques jours à un ami, ici nous sommes au cœur du scénario de la soupe aux choux(version Canaries) où les vieux font de la résistance : je m'explique, un couple de vieux habitent toujours leur maison traditionnelle au beau milieu d'un village commercial flambant neuf ; un programme (tennis, piscine, bars,restaurants et galeries commerçantes parsemées de petites mares où les poissons sont obèses tant ils sont nourris par les touristes).
Un bout d'île tout entier qui a vendu son âme pour accueillir des retraités en masse, des villages entiers tout blancs et neufs comme des verrues aux pieds des volcans.

Bref, ces vieux qui ont refusé l'expropriation arborent des drapeaux et des pancartes de protestation, leurs fauteuils en plastiques devant la façade sont les premières loges pour le spectacle que leur offre le nouveau siècle !
Ici c'est le nivellement de la culture par le bas à coup de bulldozers et de millions d'euros, le pouvoir de l'argent qui annule les différences, le royaume de l'anglais et de l'allemand qui se construit son château en Espagne...

Une photo de la " playa blanca " datant de 30 ans illustrant la côte Sud de Lanzarote nous donne la température de ce qu'a pu voir Jean rené en passant à Arrecife en 1978...C'était comme Graciosa aujourd'hui ! Depuis, les promoteurs n'y sont pas allé de main morte, ils ont tellement construit (et sans permis) que certains villages sont achevés mais vides !
Il y a aussi un homme derrière tout cela, l'artiste César Manrique qui s'est battu pour le paysage en maintenant des gabarits du type des habitations rurales traditionnelles, ce qui évite finalement les immeubles à étages et ce n'est pas plus mal ! Dans l'ensemble, les lotissements sont même plutôt réussis, blancs et assez cubiques comme des volumes enchevêtrés et quelques parements de pierres de laves bien posées.

Bon, vous vous demandez ce qu'on fout là ?
Eh bien on attend !

Nous attendions les colis préparés avec amour par nos mamans respectives, nous les avons reçus ce matin pour le grand plaisir de Laurène (et le mien) qui ne tenait plus en place pour en célébrer l'ouverture !
Un moment qui nous accompagnera pour le reste de notre voyage, un peu comme une fête...chaque petit emballage dans ces boîtes éveillait notre plus grande curiosité. Nous avons été très gâtés : livres, douceurs salées et sucrées, dessins mais aussi quelques mots glissés qui nous ont beaucoup touchés. Je crois qu'il en reste un dernier, lui aussi très attendu...

Voilà, c'était Noël pour nous aujourd'hui (nos maman ont évidemment réussi à nous glisser quelques décorations de circonstances). Merci !

L'autre raison qui nous colle au ponton, c'est le sport, enfin celui du plaisancier je veux dire... Cette activité pratiquée sur les pontons par une grande majorité de marins consiste à réfléchir beaucoup en observant d'abord toute une série de phénomènes à bord de sa propre embarcation avant de la mettre en relation avec d'autres unités du même genre.
Pour pratiquer ce sport, il faut aimer les langues et le bricolage de haute voltige, la première langue est plutôt technique et très riche (vous en avez déjà fait les frais sur ce blog) puisque chaque détail sans exception porte un nom particulier sur un bateau !
Ce lexique est infini, il se divise encore en sous-catégories qui sont elles-mêmes d'autres centres de nos activités sportives quand il s'agit d'outillage, de mécanique, d'électricité sans oublier les théories savantes des différents mouillages ou des types d'amarrages !

Je pratique actuellement ce sport en compagnie de deux excellents joueurs dont le niveau est bien plus élevé que le mien, parfois les sujets sont les fréquences VHF et BLU et les moyens d'optimiser la réception mais nous avons aussi des thèmes plus légers comme les lampes frontales...et les ampoules LEDS !
Le terrain de jeu est en général facile d'accès dans les villes du monde entier. En Espagne ce sont les "ferraterias" (traduisez les quincailleries ou mieux les shipchandlers), nous y allons parfois à pied mais les meilleures sont souvent très loin donc nous nous y rendons en vélo et même en bus, sinon carrément en bus avec les vélos pliés ...

Dans la pratique (il y a beaucoup de théorie quand même, les rayons des boutiques et les ateliers sont encore à moitié de la théorie complétée par les locaux qui aiment notre sport), ici il faut se faire comprendre, il n'y a pas moyen de tergiverser alors on se débrouille en parlant chacun sa langue maternelle si l'interlocuteur fait une drôle de tête quand vous lui faites la description du matériel convoité en anglais. Alain est très fort, il met une conviction incroyable en ayant recours aux racines en tout genre pour former des mots exotiques auxquels il ajoute des gestes digne d'un mime et finit par des dessins techniques d'une grande précision !

Donc voilà la seconde raison qui motive la prolongation du séjour aux Canaries (et de préférence à quai), c'est l' " entretien " du bateau ! Dans notre cas, mis à part l'entretien habituel (la révision des voiles, etc) on est plus dans la préparation car on l'a pratiqué pendant trois mois et il y a toute une liste de choses (on vous l'épargne) qui doivent être faites pour notre sécurité et notre confort à venir.
La Marina, malgré son règlement militaire que nous bravons (interdiction de faire sécher son linge sur le pont du bateau, de laisser des vélos, ou pire, son annexe traîner sur le ponton, et d'utiliser le tuyau d'eau du voisin...) est devenue l'extension de Goudrome où nous lavons les voiles, séchons les bâches... Pour le grand ménage nous avons fait le vide complet !

Un voyage vers Arrecife (la capitale de Lanzarotte, à 45 minutes de bus) pour y pratiquer notre sport favori, nous a quand même permis d'admirer l'arrière pays et les contrastes incroyables entre la végétation et les plaines de roches noires, comme d'énormes parcelles labourées par des charrues géantes. Cette île est classée au patrimoine mondial de l'Unesco, et le tourisme n'a pas encore suffisamment de jambes pour dénaturer ses merveilles géologiques et botaniques.

Il ne reste qu'à ajouter que les Canaries regorgent de spécialités culinaires, en commençant simplement par ses petites pommes de terre nouvelles (papas arrugadas) qui se dégustent avec leur peau très salée, mais aussi les mojos, sauces qui se déclinent à base de basilic, coriandre et piment et qui accompagnent tout du poisson au fromage, sans oublier évidemment les délicieux vins locaux !

à très vite !


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samedi 19 décembre 2009

Isla Graciosa - suite des photos













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lundi 7 décembre 2009

Isla Graciosa... premier jour

Goudrome est le bateau au milieu de ce mouillage...









Vue de notre maison


Grasiosa, Playa Francesa, 6 décembre 2009
Nos ventres remplis de satisfaction, nos têtes lourdes de fatigue, nous nous émerveillerons de la beauté de l'île et envisagerons de jouer les Robinsons après une bonne nuit de sommeil.
J'ai bien essayé de sortir les couvertures dans le cockpit pour les secouer, mais l'instant d'après je trouve Xavier couché dessus, qui avait déjà entamé sa nuit. Le message est reçu, le grand ménage attendra lui aussi.Il faut dire que tout est sans dessus-dessous, nous n'avons pas particulièrement veillé à la bonne tenue du carré pendant ses jours de navigation. Amoncellement de chaussettes, et draps en vrac, l'intérieur du bateau est autant en désordre que nous, mais nous avions tout de même pris soin de faire une toilette et de mettre des vêtements propres pour faire illusion avant de débarquer sur le rutillant Moultipass.

Le lendemain matin qui s'offre à nous est bien plus à la hauteur de ce que nous avions imaginé. Les premiers rayons du soleil éclairent l'eau qui prend des couleurs turquoises, et dévoile la plage déserte qui nous entoure. Au loin, des volcans innactifs paressent en donnant un ton mystérieux à l'île.



A cet instant, plusieurs choses m'apparaissent très clairement : que nous sommes bel et bien sortis de notre course en Méditérranée, que la chaleur qui monte doucement est synonyme d'un farniente bien mérité, et qu'enfin apparait sous mes yeux les paysages tants esperés depuis deux mois. La navigation est comme cela, notre récompense est à hauteur de nos efforts, les moments les moins agréables sont justement compensés, c'est un équilibre parfait.
Goudrome balance paisiblement son gros ventre de gauche à droite, son capitaine dort encore, et je me prépare à aller explorer le village voisin. Nous nous sommes donné rendez-vous entre filles pour une petite marche matinale. Louis nous emmène en annexe jusqu'à la plage. Toute tongue dehors, sarrouel relevé à son maximum, mes pieds effleurent l'eau et tâtent le sable. Il faut environ une heure pour atteindre le village, ici pas de route, juste un slalom entre les rochers, la plage a perte de vue et les arbustes.

Et puis le voilà, petit groupement de carrés blancs aux volets bleus ou vert (la seule fantaisie dans l'urbanisme local semble consister dans ces choix de couleurs tant les maisons se ressemblent), aux rues de sables bordées de cactus, et de figuiers de Barbarie, qui porte le nom de Caleta del Sebo (aussi apellé La Sociedad). Lorsque l'on arrive sur cette petite île de 6,5 km de longueur, la tradition veut que l'on enlève ses chaussures et que l'on oublie le monde, et je suis bien heureuse d'appliquer les deux.
J'achète quelques fruits et légumes, maigre choix pas très bon marché, et de quoi faire les prochains repas. Je longe le petit port, qui est animé par des terrasses peuplées de vieux aux chapeaux de paille, quelques babos dúne autre epoque toutes dread locks dehors vendent leurs bijoux de coquillages, et prend le chemin du retour sous le soleil bien reveillé. Je n'ose pas y croire, nous sommes en début décembre, ma peau menace de virer écarlate, et ce que j'ai acheté s'auto-cuit dans le sac en plastique !
Il me faut bien une sieste pour prendre pleine conscience de la réalité que je vis.

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De Tarifa aux Canaries (isla Graciosa)








Tarifa, 30 novembre 2009Il est 6h du matin, les pare-batages sont aussi fatigués que nous, (ces boudins qui pendent en guise de défense), l'un d'etre eux a explosé pendant la nuit ! C'est que Goudrome s'est fait malmené dans ce petit port où la houle entre sans frapper; il y a peu de place pour les plaisanciers et le temps est trop mauvais pour aller au mouillage, nous avons donc amarré au ponton flottant qui ballote pendant que l'on tangue.A ce mouvement épouvantable, il faut ajouter celui des navettes (plutôt des monstres vu de près) qui brûlent du gazoil pour assurer le positionement dynamique 24h /24.
Nous appareillons en 3eme position dans le convoi en partance pour les Canaries. La sortie est sans surprise, dehors le vent et la houle n'ont pas attendu le soleil pour se lever. La mer d'Alboran est derrière nous, les dauphins nous escortent pour célébrer les derniers miles de Méditerranée. Nous filons bon plein vers la pointe de Tanger pour le rendez-vous avec l'Atlantique.

L'accueil océanique a la même tonalité que le passage du point Europe quelques jours plus tôt. Après 3 heures de courant ouest allant jusqu'à 3 noeuds, arrive l'étale et c'est au moteur et avec toute la toile que nous rejoignons les alizées portuguais.
Au point radio de 19h, le cata en première position est à environ 20 miles, le second fait route entre nos deux positions, le dernier a disparu dans notre sillage avant Tanger, les appels restent sans réponse, leur projet initial était de faire halte au Maroc.

Vers 4h du matin, le vent passe enfin au nord et nous choquons la grand voile pour passer grand largue tribord amure et attendons l'aube pour envoyer le spi. Le régulateur ne tient pas l'allure, c'est le pilote qui tient le cap. La moyene journalière est excellente, 140 miles parcourus !
Pas le temps de se réjouir, à mon réveil la drisse de spi se décroche et reste en tête de mât... aie aie aie. C'est la deuxième fois. Je fais une tentative d'ascension juste au harnais mais ça bouge vraiment, lâcher une main pour accrocher le mousqueton est déjà une épreuve de force après la première barre de flèche. Je redescend, Laurène va m'assurer avec la chaise de mât, ça tombe bien nous avions repeté hier entre deux coups de vent. Me voilà à la pointe du mât pour une grande frayeur. Je grimpe comme un singe mais au sommet mon corps est pétrifié, tendu comme jamais, mes jambes et mes bras sont des pinces serrées au maximum, plus moyen de lâcher ni de bouger, le mât est devenu comme un pieu en folie auquel je suis condamné. Nous avons fait l'erreur d'affaler la grand voile qui aurait atténué les mouvements. Cet épisode s'achève quand j'ai enfin cette drisse en main et que chaque mouvement vers le bas adoucit la force centrifuge. Laurène m'a trouvé bien pâle !Tout rentre dans l'ordre, Goudrome file à nouveau.

à 20h, le vent fraichit, j'affalle le spi et découvre que la drisse est rongée jusqu'à l'os. La dernière achetée a remplacé la balancine, donc pas de stock. C'est con ! L'alternative est de tangonner le génois en ciseaux, et le résultat est probant. Maintenu par la balancine, et un bout en guise de hale-bas , la toile est bordée à plat et nécessite moins d'attention que le spi.

Le 2 décembre, on remet le couvert de la bonne procédure météo cargo, le capitaine sympa nous invite à passer sur le canal 06 quand une troisième personne intervient. C'est le voilier Cochise, que nous ne connaissons ni d'Eve, ni d'Adam, qui se félicite de retrouver des "portés-disparus". Ils avaient entendu les appels de Moultipass qui s'inquiétait de ne pas nous voir arriver à Tarifa, et avait émis un appel sur le canal 16, une semaine plus tôt!). Nous bavardons un instant, échangeons quelques informations sur nos positions respectives et nous fixons un rendez-vous ultérieur. Les 20 miles qui nous séparent vont être gommés pendant la nuit. Laurène les observe qui nous doublent par tribord (ils sont au moteur) et n'allume pas les feux pour qu'ils nous identifient (eh oui, on est de retour à l'économie d'énergie, j'ai fait un raccordement de fortune des nouveaux panneaux solaires en navigation mais j'évite de brancher les batteries neuves tant que le régulateur de charge n'est pas installé... du boulot pour les Canaries...). Nous sommes en autonomie totale depuis Carthagène (plus de 10 jours) car Gibraltar et Tarifa n'offraient pas de service eau/électricité, aussi le soleil n'est pas toujours efficace à cause des nuages... En passant j'ai observé un phénomène que je n'ai pas encore vraiment vérifié mais il semblerait que la pleine lune (qui éclaire généreusement nos nuits) charge un peu ... La lune se lève à l'est quand le soleil brûle l'horizon à l'ouest et le spectacle s'inverse au petit matin. Cette lune nous joue des tours, hier Laurène un peu fatiguée par son quart a cru que c'était un cargo en feu lorsqu'elle la vue poindre à l'horizon.

Le 3 décembre après une nuit de roulis et de calme où tout à bord devient une source de bruit incessant, le vent semble décidé à fraîchir. Il s'installe secteur nord-est et monte lentement des heures durant. à 22h, je tente de faire une sieste, en fait fermer les yeux et garder une liaison auditive, quand le comportement de Goudrome devient inquiétant. J'abandone le demi-sommeil et rejoins Laurène dans le cockpit, pas inquiète pour un sous, ses écouteurs au fond des oreilles, tout emmitouflée , et lui pose quelques questions. Mon but est d'éviter de l'inquiéter mais la mer est grosse, les vagues déferlent et Goudrome fait des embardées à 12 noeuds... C'est bien au delà de ce que peut supporter la carène, à cette vitesse la barre est presque en flottaison, tout tremble. On fait un point sur les manoeuvres et agissons rapidement. Deux ris pris en vent arrière, et quasi tout le génois enroulé (il ne reste qu'un bout de torchon tangonné pour l'équilibre) et on surfe encore à 8 noeuds !
Il y a la mer du vent et la houle qui se combinent et façonnent un paysage de vallées, de collines, en modifiant notre point de vue à chaque instant. ça commence avec de petits moutons, puis des lames mousseuses, puis des paquets qui déferlent faisant prendre de fameux coups de gîte au bateau. Laurène ne sort plus de la machine à laver, ce n'est pas confortable, et même pas agréable finallement... Voilà 24h que cela dure, je suis dans le cockpit et j'ai emprunté l'ipod de Laurène, qui, bien calée, se laisse prendre par le sommeil. J'observe l'appareil, son design hyper épuré, son faible encombrement, son poid plume et puis enfonce chacun des écouteurs au creux des pavillons babord et tribord dont je dispose. Je n'ai jamais supporté les bouchons qui vous coupent du monde, mon frère Nicolas était revenu de New-York en 82 avec un walkman rouge flambant neuf, je n'avais pas bien compris l'utilité d'un tel objet. Bon, je réussis enfin à allumer le lecteur et plonge sur un répertoire en lecture aléatoire de 727 titres ! Magique, un coup d'index dans le sens horaire et le son monte, par chance et un peu au hasard, le premier morceau joué est un extrait de Nissi Dominus de Vivaldi. Ce son si pur produit à fleur de mes tympans agit comme du mercure à émotions et fait bouillir mon sang, je contemple la mer et toute l'angoisse disparait. Je suis en train de vivre un grand moment de plénitude, les grondements de la mer deviennent envoûtants, ses mouvements confortables. Je suis assis dans le plus grand salon du monde et je pleure. C'est la seconde fois de ma vie que je fond en larmes grâce à de la musique. La première fois, c'était lors d'une matinée scolaire au théâtre du Châtelet. Un célèbre chef d'orchestre japonais reprenait phrase par phrase le sacre du printemps de Stravinsky. (c'était aussi le traditionel cadeau de 18 ans offert par mon grand-père) Il va sans dire que cet ipod va m'offrir de belles récréations.

Le 4 décembre 2009, 6h20 du matin, Goudrome vogue par 29° 26' de longitude et 12° 56' minutes de latitude ouest. Nous faisons un cap de 245° à 6 noeuds. Le vent de secteur plein nord ne souffle plus à présent que force 5 et Laurène dort profondément. Il nous reste un peu moins de 40 miles à parcourir avant de découvrir le sable de Graciosa.
à 210°, un autre voilier semble faire la même route, je l'observe depuis quelques heures (nous apprendrons plus tard qu'il s'agit de Envole-moi). La lune au zénith joue à cache-cache avec les nuages qui filent au sud. Le grément est bien réglé, le ciré de Goudis est posé sur le pilote pour le protéger des embruns et crée une silhouette rigolote. Dans quelques minutes, je vais rejoindre la couchette babord réchauffée par ma princesse et me lover dans les draps pour y déguster son odeur. Si certains d'entre vous me demandent encore pourquoi prendre la mer et faire autant de sacrifices, voilà une des réponses. En plus du plaisir de se déplacer au gré du vent, vivre sans pollutions extérieures son couple et prendre le temps de se découvrir, c'est un vrai cadeau.

Enfin, se profilent des bouts de terre enchevêtrés que nous devons démêler visuellement pour trouver le passage entre Lanzarotte et Graciosa, l´etroit Estrecho Del rio. Une fois de plus nous manquons d'informations, entre un pilote marine pas assez détaillé et notre carte (datée de 1953 !) à trop grande échelle. Nous sommes tous les deux contents d'arriver enfin, le temps commençait à être long, et les odeurs de terre ravivent nos corps et nos esprits.
Nous apellons à tout hasard à la VHF dans l'espoir de joindre Cayok ou Moultipass qui doivent déjà être arrivés, et cela dépasse nos espoirs : en plus d'être déjà là, Danielle nous lance une invitation à déjeuner! Encore une fois, quel accueil, quel bonheur! C'est donc à la Playa Francesa que nous mouillons, sur les bons conseils de Louis et Alain qui nous crient le meilleur emplacement pour déposer l'ancre.

L'endroit est désert, sauvage, baigné de soleil, son eau est turquoise, nous osons à peine y croire...

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