mardi 30 mars 2010

Bequia - Amiral Bay

Bonjour a tous,

Nous continuons notre vie de Robinsons aux Grenadines ( nous sommes de plus en plus sauvages puisque la technologie nous abandonne : finis les bons services de nos deux ordinateurs, le dernier, celui de Xavier a eu un probleme de coeur... nous esperons pouvoir l'operer rapidement. Finis aussi les acces internet abordables et frequents sur ces iles, ils sont plus rares que les poissons)

Nous evoluons d'iles en iles, direction Grenada et plus si affinites. (Trinidad, Tobago, Venezuela...) et ignorons le compte a rebours qui sonne le retour. Jean-Rene ne sait plus que faire de nos hesitations.

Vous comprendrez que sans ordi, il sera complique de vous raconter et d'illustrer aussi frequemment nos aventures, mais sachez qu'on bosse dur pour les vivre intensement.

En attendant, voici de quoi rassurer nos mamans, nous mangeons bien:
http://madeincambuse.blogspot.com

a tres bientot
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samedi 20 mars 2010

Pani pwoblem en Martinique

Au mouillage de Sainte Anne




Cap Ferré
L'anse Blanche
Près des jardins de Balata
L'anse Noire
En haut du Mont Pelé

Le Marin est l’endroit idéal pour bricoler, après de longues retrouvailles arrosées, nous reprenons entretien et réparations diverses.
Le moteur est rapidement réamorcé, le spi réparé, tous les organes mécaniques nettoyés et graissés.
Mon père (qui nous rend visite pour dix jours) sera rapidement mis à l’épreuve, notamment pour le démontage de l’étai. L’étai est le câble avant de maintien du mat autour duquel est passé le système d’enrouleur du génois.



Une fois désolidarisée de l’ensemble et nettoyée, j’emmène la pièce qui pose problème chez Daniel (un soudeur qui avait ressoudé une coque endommagée quelques jours plus tôt), je trouve un type charmant dans la seule habitation après le cimetière, il m’invite à m’asseoir et observe avec beaucoup d’intérêt ce que je décroche de mon porte-bagages.
Nous bavardons longuement de ses différents métiers depuis la fin de ses activités d’entretien pour le compte des sociétés de charter basées au Marin.
Les sujets passent de l’histoire à la politique sans oublier la famille, les langues se délient d’avantage encore quand je revendique ma nationalité.

Sa femme est fleuriste, lui transporteur de produits du bâtiment dans les coins reculés à l’aide d’engins tout terrain, mais aussi éleveur (il y a des poules et des chevreaux que nous attrapons par les pattes pour les repasser à travers des barreaux définitivement peu adaptés à leurs gabarits). Daniel produit aussi du charbon de bois dans un four de sa facture.
Le soleil est rouge quand Daniel m’apprend qu’il ne soude pas l’inox, c’est son neveu Gilles qui vit à Rivière Pilote qui accepte le boulot par téléphone.

Le lendemain midi la pièce est prête, Gilles m’accompagne pour visiter Goudrome et j’en profite pour lui présenter toutes les personnes susceptibles de lui offrir du travail, la sauce à l’air de prendre, il reviendra le lendemain avec ses outils pour quelques petites soudures, et pour déposer des devis chez ses futurs clients.
L’étai est sur le ponton, la situation est idéale pour vérifier chaque détail (l’usure, les rivets d’assemblage) ; cinq personnes et beaucoup de matières grises seront nécessaires pour replacer ce fragile ensemble reliant l’étrave à la tête de mat.
Mission accomplie, malgré le grand âge du roulement, la voile d’avant s’enroule à nouveau parfaitement.

Mon père s’acclimate doucement, il commence aussi à prendre des repères à bord : voici un extrait d’e-mail relatant ses premières impressions :

-« Depuis 3 jours je me soustrais aux rayons d'un soleil cuisant...
J'ai les mains, avant-bras, crâne, nuque et pif rouge vif! Brûlures...
Nous avions été nous baigner samedi sur l'îlet Chevalier. Endroit paradisiaque et réserve naturelle. Baignades répétées. On n'a même pas besoin de se sécher avec une serviette.
Le lendemain, départ à 07 H pour rebaignade dans une anse déserte
Je n'avais pas pris de mesures préventives avant la première soirée me disant que je n'avais jamais eu de vrai problème de cuisson même en planche.
Ici, il me faut éviter de sortir après 11 H jusqu'à 16 H.
Xavier m'a refilé un pantalon africain long et ultra léger et je porte casquette voire large chapeau de paille, outre une chemise à longues manches.
Paraît que je devrais même garder la chemise pour me baigner...!
Quant à mon crâne, il accuse un découvert vulnérable et des contusions multiples survenues lors de mes passages sous la casquette (celle du bateau!).Je fais du vélo dans la marina pour admirer tous ces beaux et grands bateaux. Beaucoup de Cata à usage de charter sur lesquels embarquent par compagnie des marins d'eau douce blancs comme des navets.
Leur aspect va aussi changer très vite...
…/…
Il faut réparer l'enrouleur de voile avant.
Hier Xavier est monté au faîte du mat pour déposer l'étai et le fourreau du foc.
Nous l'avons aidé à déposer les 12 m de l'enrouleur de génois... pas simple et résultat non garanti car il faudra le hisser et remettre en place après soudure.
Tout cela par 32 ° et en plein soleil.
Hier soir il faisait 34 ° dans le carré (cabine).
Goudrome ne cache pas son âge mais est spacieux et a beaucoup de charme. (…)
Laurène a longuement briqué le plancher d'accès. Xavier a démonté et entretenu les winchs. Ils ont toujours à faire en entretien. »

Bienvenu dans le monde de la plaisance, après avoir goûté à la température de l’eau et s’être fait doré sur le vélo (ou en accompagnant Louis dans la réalisation d’une solide échelle de pont), nous appareillons tout en douceur pour une semaine de découvertes Martiniquaises.
Une série de mouillages ou escales (Sainte-Anne, le rocher du Diamant, les Anses d’Arlets) lui rafraîchissent la mémoire sur les joies de la navigation : le silence du vent dans les voiles, l’observation du ciel la nuit.

A travers le verre des masques qui se transforment en lentilles de microscope, nous observons les nombreux habitants du récif corallien.
Quelques mètres d’eau suffisent pour apprécier en apesanteur l’immense diversité des fonds, éponges vases oranges et tubulaires jaunes, minéraux qui seraient à eux seuls l’inspiration d’une vie d’artisan potier. C’est aussi un grand potager, il y a d’énormes Gorgones éventail qui seraient des feuilles de choux verts géants animés par le léger ressac sous marin, un décor à très grande échelle tantôt verdoyant comme une pelouse sauvage, tantôt structuré de pierre posées pour générer des labyrinthes où se cachent les centaines d’espèces de poisson colorés dont les noms évoquent la curiosité : « Sergent Major », « Chirurgiens », « Cardinal Marignan », « Soleil Juif » (poisson rouge aux yeux énormes, délicieux !).

Evidemment cette magnifique nature s’organise pour compliquer la tâche des chasseurs que nous sommes. Nos règles improvisées sont simples, une flèche tirée chacun par plongée (nous sommes équipés du fusil sous marin de Jean-René super difficile à réarmer).
Mon père qui s’organise pour pouvoir respirer sous l’eau provoque des crises de rires, le masque plein de buée, il se débat comme s’il était déjà en noyade au moment de passer le tuba dans la lanière du masque.
Lors de la première approche, il me prouve qu’il n’a pas perdu la main, il tire un poisson trompette (poisson allongé et très plat dont la bouche serait le seul point commun avec l’éléphant), pour ma part je reste bon dernier en manquant ma cible.
Par contre je me précipite dans la préparation d’une marinade dont la base est le pamplemousse, auquel j’ajoute piments et miel, le repas est léger et nous apprend que ce poisson est bourré d’arrêtes fibreuses (comestibles).

Le cap est ensuite mis sur Saint-Pierre, une charmante petite ville dominée par un étonnant relief. Elle est appelée « le petit Paris des Antilles » en mémoire de ce qu’elle fût par le passé, un grand centre culturel et économique. Ceci avant l’incroyable et dévastatrice éruption du volcan de la montagne Pelée en 1902 qui lui valu la disparition des cartes pour plus de vingt ans.
L’histoire cette fois nous sera racontée par le fils d’Emilie, trouvé dans les rayons de sa petite boutique de souvenir, rue Victor Hugo. Le garçon d’une quarantaine d’année est artiste peintre et aide accessoirement sa mère, qui accuse un certain âge mais dont les talents de vendeuse ne sont plus à faire.
Derrière le comptoir, dans la bouche du passionné et dans les livres qu’il collectionne, on trouve un tas d’anecdotes qu’il illustre en tournant les pages. Destin touchant, pèlerinage poignant, le guide nous prend par la main et nous ouvre les yeux sur une sombre réalité.
Trois siècles de construction, un théâtre, des consulats aux jardins botaniques en passant par le millier d’habitation, soufflés en un instant, les corps photographiés figés en disant long sur la surprise.
Aujourd’hui Saint Pierre, toujours en reconstruction, a conservé une odeur, une poésie unique. La circulation se fait du Nord au Sud et en sens unique le long de la rade, du marché en ossature métallique à la magnifique maison communale reconstruite. Dans la rue parallèle on circule dans le sens opposé, on y trouve des maisons antillaises colorées et en bois, des vestiges et autres riches bâtiments de pierres aux jolies persiennes, aux balcons de fers forgés autour de la cathédrale et devant de magnifiques jardins.
Pour nous navigateurs, le mouillage est rendu délicat par la dizaines d’épaves gisant par des fonds qui passent très vite de 25 à 5 mètres, on est loin des plages cartes postales mais ce sera l’escale verte, nous débarquerons aussi pour une randonnée ambitieuse : l’ascension du plus haut sommet de la Martinique (1300m).

Philippe (de Kirha) nous rejoint pour l’occasion, on se lève à l’aube pour avoir une chance d’échapper au soleil sur les flancs très exposés de la montagne mais c’est un raté, c’est à croire qu’on ne sait déjà plus ce que signifie « être pressé ». Nous trouverons malgré tout un transport assez facilement en interrogeant un homme (plusieurs choses nous laissaient penser que ce serait un calvaire : pas de transport le dimanche doublé du premier tour des élections régionales).
Pas de souci, Maurice nous charge dans son Pick-up et nous emmène gentiment à une dizaine de kilomètres en passant par les petites routes en forêt tropicale où pour le grand plaisir de Laurène invitée dans la cabine, il fait le descriptif détaillé de ses activités d’agriculteur.
C’est que, nous ne l’apprendrons que plus tard, il a fait tout un détour pour montrer son exploitation à Laurène, pas moins passionnée par ses élevages que par ses cultures écologiques de fruits et légumes.
Le parcours est très escarpé (nos muscles s’en souviendront), mais le résultat vaut vraiment la chandelle. Nous pique-niquons dans le ciel avec pour dessert une vue imprenable sur la côte Atlantique et la Mer des Caraïbes.

Ce petit périple nous conduit aussi aux quatre coins de la table Créole, les dégustations de Rhums sous toutes les coutures se poursuit (les Trois Rivières, « redresse zizi et clicli », punch et autres rhum vieux classiques sont oubliés pour faire place aux stars locales : des maisons sérieuses produisant du blanc agricole pour la composition du Ti punch parfait.
Cet alcool est une drogue dure, on observe ses ravages depuis le Cap Vert, je n’y trempe les lèvres qu’après le coucher de soleil et alterne avec la bière locale « la Lorraine » (c’est drôle, mes deux garde-fou portent le même nom !).

Côté cuisine, cela commence dans la rue. En France métropolitaine on a des poulets à chaque carrefour, ici ce sont des poulets boucanés à chaque rond-point.
Autre constat concernant ces volailles, depuis notre arrivée en Martinique, pas un levé du jour n’a été vécu en silence, il y a des coqs partout. On les entend au port, au mouillage, en ville, à la campagne. La vielle tradition des combats est toujours un loisir apprécié, il y a même des versions mangouste contre serpent.
Il y a aussi les épices qui collent à la peau, je commence à transpirer le colombo.
La premier modèle de ce plat nous a été concocté par Jean-Michel, j’ai tellement apprécié que j’ai eu du mal à laisser les os (la peau, les nerfs avaient disparus), depuis on a dégusté la variante poisson et cabri, même résultat !
Autre ingrédient qui pourrait rivaliser avec l’appétit (qui est ce que l’on a de meilleur pour honorer un plat) : le piment.
Le souvenir de la douleur est un fantôme quand on parle des sauces pimentées qui sont absorbées avec la grande variété de délicieux accras, mes préférés restent les simples accras de morue.
On découvre aussi un tas de préparations à base de coco, gingembre, fruits. Que dire des fricassés de « chatrou » (poulpe) et des langoustes grillées…
Laurène s’est rapidement imprégnée de tout cela et nous retrouvons par magie dans notre assiette tous les ingrédients du marché. Sa dernière création se composait de la banane plantain associée aux ignames (marinés au coco et anis étoilé), et à une fricassée de crevettes aux oignons verts et gingembre. Aussi beau que bon !

La dernière navigation pour mon père approche, nous devons rallier la baie de Fort-de-France pour y trouver le lendemain un « taxi-co » qui le déposera à l’aéroport du Lamentin.
Cette navigation sera comme un cadeau des Antilles, à moins de deux miles des côtes, des centaines de dauphins jaillissent des deux bords dans une théâtralité que même son appareil photo n’a pu capturer. Dans la distraction, je perds ma vigilance, de sorte que le grain qui suit la récréation crée une seconde surprise, moins agréable !
Nous approchons à la voile et en silence l’Anse Mitan, sous les étoiles et par un souffle de brise. C’est « l’amiral papa » qui tient la barre et le cap alors que Laurène observe les bouées de la proue.


Pour boucler ce petit chapelet de mouillages forains en Martinique, Laurène et moi choisissons la petite anse Dufour. Goudrome flotte par 5 mètres de fonds blanc.
Cette anse offre une bonne protection, on y trouve pas plus de maison que de yoles de pêche, c’est simplement paradisiaque. On se réjoui d’être le seul voilier, ils sont tous dans la baie voisine (l’anse noire, qui illustre un phénomène géologique singulier : deux plages de sables aux coloris opposés séparées par une simple langue rocheuse).
Nous rencontrons quelques pêcheurs chez « Marie-jo » et participons aux débats sur les régionales, la télé locale présente les trois candidats pour le deuxième tour, c’est un peu comme la coupe du monde de football !
Narcisse et son cousin nous racontent aussi les techniques de pêche dans la région, l’une d’entre elles est ancestrale, « la senne ». Elle consiste à envoyer un gigantesque filet sur la largeur de la baie…
Nous les quittons rapidement en comprenant que les pêcheurs se donnent rendez vous avant l’aube le lendemain. Cela ne manque pas, vers cinq heures, un pêcheur sonne le Lambi (un énorme coquillage, très bon en brochette) en guise de trompette.
Narcisse nous avait mimé la petite mélodie du lambi et se proposait de nous éveiller avant le coup de clairon mais nous avions choisi de manœuvrer au lever du jour.
Je suis physiquement sur le pont en quelques secondes grâce au capot de la cabine avant par lequel je bondis et observe la scène sans rien y comprendre…
Les coqs chantent dans la montagne, deux yoles viennent du large, quelques personnes sont rassemblées sur la plage mais il ne se passe rien.
La senne nécessite un nombre suffisant de participants, je suis aux premières loges mais le spectacle est reporté.

Voilà, nos premiers pas aux Antilles, ces îles qu’on a appris à désirer.
La Martinique est comme un jardin vivant et merveilleux, le soleil et l’alizé composent un climat tropical qui habille les flancs de ses terres volcaniques.
Ce département est un pays, son cahier regorge d’histoire, les difficultés politiques et économiques se décodent au quotidien. On ne peut pas oublier ce que la nature humaine a instauré sur ces terres.

Nous sommes de retour au mouillage du Marin pour quelques bricoles et quelques jours. Notre prochain cap : les Grenadines…


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lundi 8 mars 2010

Histoires de ponton

Voilà 10 jours que nous foulons les pontons du Marin, en Martinique. Nous redécouvrons la vie sur terre, ses odeurs et la variété de ses couleurs. D’une villa isolée sur le dos d’un immense océan, Goudrome se retrouve comme une cellule japonaise où l’on se faufile en rampant pour y trouver refuge. Le Cul de Sac du Marin est en effet à l’image d’un H.L.M., la nature humaine y refait surface dans sa plus grande diversité.

Si nous avons élu domicile a cet endroit plus peuplé que la moyenne, c’est parce que notre voyage est un herbier dans lequel nous rassemblons des personnages en guise de paysage. Pour reprendre une expression de Léo (qui nous quitte ce matin pour reprendre le sentier de son aventure), la vie ici ressemble un peu à la récréation d’une rentrée des classes où chaque enfant arbore son jouet favori et raconte ses vacances.

Nos « vacances » sont en fait un congé d’une vingtaine de jours que nous prenons vis-à-vis des copains d’escale. Nous avions évidemment imaginé une traversée possible en compagnie d’un ou plusieurs voiliers amis mais cette expérience nous prouve le contraire.

Kirha, avec à son bord Philippe, Thomas et Henrick nous aura inquiété…
Disparus dès le départ dans le détroit de Sao Vicente, nous les imaginions loin devant et poursuivions des appels VHF quotidiens. Ils sont bien arrivés, en bonne santé mais six jours après nous !
Deux facteurs expliquent ce « retard » : le premier est la déchirure du génois léger, le second est la route que Philippe a finalement préférée plus Nord. En prenant à l’Ouest alors que nous filions encore du Sud-Ouest, kirha a subi pendant 24 heures la dévente liée au relief de l’île se Sao Antao. Le moteur n’annule pas ce petit décalage qui s’accentue lors des pétoles, les derniers jours sont pénibles pour l’équipage qui se trouve sans vent ou autre carburant à une centaine de miles des côtes. Heureusement, leur balise spot nous indique la lente progression et nous finissons quand même (toujours grâce à cette merveille de technologie) par les localiser puis les retrouver de nuit au mouillage. Les retrouvailles chaleureuses ont un goût de rhum, et accessoirement de cacahuète.

Pour Kayok c’est une toute autre histoire (Louis et Roselyne me corrigent sur la précision des faits). L’Ovni quitte le ponton du Fuel par un Nord-Est bien établi, ceci 36 heures avant notre départ. Quelques heures plus tard, nous avons un contact radio, ils ont bien réduit la voilure et foncent à plus de 7 nœuds.
La nuit tombe sur cette information qui sera la dernière qui concerne l’équipage avant la Martinique. A notre grande surprise, Kayok ne figure pas sur la liste des nombreux arrivés au Marin !
Les nouvelles nous viennent de France, et par le fils de Maurice qui nous écrit son inquiétude en esquissant brièvement un sombre tableau.

Ce courrier alarmant date du 08 février, nous y répondons dès l’arrivée, le 24 février.Nous contactons de suite les connaissances de Mindelo pour en savoir plus mais cette fois les nouvelles arriveront de la mer !

Le lendemain soir « Epicure » (Claude, Damien et Sylvie, nos voisin de mouillage de Mindelo arrivés sans moteur quelques jours avant nous) nous informent de l’arrivée de Kayok au ponton 4. Je fonce sans toucher la selle du vélo jusqu’au bout du ponton voisin où je trouve Roselyne et Louis en route vers Goudrome.
Sous un épais bronzage, je discerne des sentiments contradictoires. Entre la joie et la tristesse, une fatigue lourde échappe des yeux de Roselyne que je serre fort dans les bras faute de mots. Je n’ose pas ouvrir la bouche, visiblement pas de Maurice à bord.

A travers l’histoire vécue par Roselyne et Louis, la transatlantique prend une autre dimension. Partir pour une longue durée, seul loin des terres rassurantes ; l’aventure n’est pas de défier les éléments mais bien de se prémunir contre toute éventualité. Ce qu’ils ont vécu à bord de Kayok est un cauchemar, il n’y a pas d’autre mot. A 900 miles des côtes, Maurice a commencé à vomir du sang (pas moins d’une demi bassine à chaque fois) avant d’en perdre autant par voie basse sans aucun contrôle.

Roselyne a été infirmière pendant de longues années avant de devenir directrice d’hôpital, cette expérience couplée à l’Iridium (téléphone par satellite) embarqué lui a permis de maintenir la tête hors de l’eau dans une situation dramatique.
C’est à force de courage et sang froid qu’ils ont réussi à sauver le bon Maurice embarqué pour sa sixième transat.
En appelant les secours, faute de moyens suffisant pour faire face, ils sont mis en relation avec le SAMU de Toulouse par le C.R.O.S.S. (Centres régionaux de surveillance et de sauvetage ; destinataires des alertes, ils sont responsables du choix et de la direction des moyens mis en oeuvre).
La particularité du sauvetage est de trouver la solution la plus rationnelle dans ce cas de figure. Un cargo est localisé dans les parages et pourrait délivrer du sérum à perfuser mais les conditions de mer ajoutent des difficultés et Maurice a perdu tant de sang qu’il est en collapsus.
L’océan est découpé en zones et chaque zone est prise en charge par le C.R.O.S.S. pour la zone, dans un premier temps il reçoivent des appels des autorités américaines, puis c’est le C.R.O.S.S Antilles Guyane qui prend le relais.

Le préfet de Brest ordonne la mise en place de l’évacuation de Maurice. C’est un bâtiment océanographique localisé sur les côtes de Mauritanie qui met le cap sur Mindelo pour embarquer deux litres de sang et un médecin en provenance de Dakar.

Dans un premier temps Louis ne peut pas faire demi-tour, l’état de la mer et de Maurice ne le permettent pas, il freine donc sa progression vers l’ouest.
Deux jours plus tard, la manœuvre est possible, Kayok change de cap pour l’est et s’appuie du moteur pour tenir une allure contre vent et courant. Trois longues journées seront nécessaires pour matérialiser la rencontre.

Depuis l’alerte, le C.R.O.S.S appelle toutes les trois heures, de jour comme de nuit !Le médecin et Roselyne se comprennent évidemment sur les soins à apporter au patient, mais il sent aussi que le couple faiblit.Cinq jours sans dormir, avec peu ou pas d’appétit, le moral pas vraiment au top. Les inquiétudes des secours portent aussi sur l’équipage : ses repas et autres activités du quotidien.

La manœuvre de l’évacuation est prête de part et d’autre, tandis que Louis amarre l’annexe de l’unité faisant route parallèle à quelques dizaines de mètres, des militaires très organisés embarquent sur Kayok avec une civière. L’un d’entre eux débraye le pilote automatique et prend la barre (les autorités maritimes avaient aussi prévu le convoyage du bateau et ses deux équipiers jusqu’à la Martinique)
, il y a aussi deux militaires plongeurs qui sont équipés pour parer le moindre souci.Le médecin décide d’emmener Maurice puisque les mouvements à bord ne lui permettent pas de procéder à la transfusion. Finalement le couple, après un rapide examen médical et un léger avitaillement (eau, gas-oil, sandwich) peut poursuivre sa navigation.

Maurice est rapidement transfusé, il est dans de bonnes mains. Kayok, en virant de nouveau reprend les alizés en silence. Le patient est débarqué et pris en charge pour une semaine par le fils du consul sur l’île de Praïa au Cap-Vert avant d’être accompagné sur un vol pour Paris.
Tout est rentré dans l’ordre, Maurice va mieux et cette histoire doit nous servir de leçon ! D’une part Kayok était prêt et s’était donné les moyens de régler l’urgence (un Iridium n’est pas un outil farfelu), sans les connaissances médicales de Roselyne la situation eut été très aléatoire…
Louis, comme Roselyne, insistent sur la compétence et l’efficacité des équipes du SAMU de Toulouse, des C.R.O.S.S., et de la marine nationale.

D’autres encore ont rencontré des difficultés : Valérie et« Antinéa »; après plus de cinq jours au près a failli perdre son mat, la raison est que son Hunter (voilier américain) a été mal gréé à son arrivée en pièce en Europe. Des bouts, sangles et une bonne dose de précautions à heureusement permis à l’équipage de rallier le Marin malgré un support du mat fendu !

Le voilier de Jean-Michel « Yan Maïco »est arrivé lui aussi au Marin, mais en marche arrière à cause d’un inverseur bloqué. Rien de grave pour l’équipage qui avait prévu de prendre du bon temps, leur seul moyen de produire de l’électricité étant le moteur, ils ont simplement fait une soixantaine d’heures en marche arrière.

Voici un échantillon des ingrédients qui composent nos punch du soir, la traversée. Elle est tellement personnelle ou exceptionnelle pour chacun d’entre nous qu’on ne lasse pas d’en parler. Pas d’inquiétude, cette douce communauté reste tournée vers le large, le spi est réparé et la réparation de l’enrouleur est à l’étude. Goudrome sent le départ !



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