mercredi 21 avril 2010

perdus dans les fjords du sud de Grenada...













Le long chenal balisé de St-George’s Harbour nous conduit entre les récifs dans une baie très bien protégée appelée « the lagoon » et réputée pour être un des meilleurs mouillage forain des petites Antilles. Une fois de plus nos documents cartographiques ne servent à rien, la baie déserte des guides nautiques indiquant le petit ponton du « Grenada Yacht Club » est à présent truffée de pontons aussi neufs que gigantesques de sorte que le mouillage devient difficile.

Le fond est d’excellente tenue mais nous manoeuvrons à deux reprises pour ne pas gêner les voisins ainsi que le chenal d’accès du Port Louis. Il en est de même pour Epicure (Damien et Sylvie, rencontrés à Mindelo, ils font la boucle de l’Atlantique en provenance de Paris et à destination de Paris, ils habitent le Port de l’Arsenal, à Bastille)que nous retrouvons au mouillage, ils envoient deux ancres pour tenter de rester dans l’axe du vent principal et finissent par bouger. Nous finissons par obtenir une place au Yacht Club. Cela tombe plutôt bien, nous devons remplir les cuves d’eau, faire un approvisionnement et débarquer Basile et Léo. Les manœuvres de port sont souvent compliquées quand le vent souffle en puissantes rafales, je décompose un maximum pour que tout se déroule tranquillement.

Notre place est au bout du quai, nous entrerons en marche avant (le safran est affaibli, en marche arrière il faut prendre de l’élan et manœuvrer sur son erre). Sur bâbord un demi catway en béton, à tribord un voilier anglais dont le propriétaire déplace l’annexe pour notre arrivée. Sympa, il propose aussi de nous frapper à la pendille (bouée située à une vingtaine de mètres du ponton sur lequel on noue une amarre). Léo reste sur le quai pour réceptionner le bout que lui enverra Laurène, Basile remonte l’ancre et passe le bout à l’anglais.

Je suis à la barre, tout se passe à merveille, je colle le voilier sur tribord et éviter d’être poussé par le vent, Basile passe l’amarre à l’anglais dans son annexe qui fait signe que son nœud de chaise est bouclé. A l’avant Laurène a envoyé le bout, Léo l’a réceptionné. Super, une petite marche arrière pour stopper Goudrome, et nous voilà à terre !

Dans mon petit feuilleton, il en était ainsi mais une petite hésitation à l’avant à cause d’un taquet cassé puis un type arrivé de nulle part ordonnant de passer le bout sur bâbord, (soit sous le vent…) interrompt brusquement la fiction. Dans le cockpit, un autre souci apparaît : en tentant de reprendre l’amarre arrière je constate que notre brave voisin à loupé son nœud ou s’est trompé de point d’attache… Bref Goudrome est arrêté, chassé par le vent sur le béton… Heureusement, nous sommes nombreux et réactifs, tout fini par rentrer dans l’ordre. Moralité, plus on est de fous, plus on pleure !

Quatre mois nous séparent de l’arrivée à Las Palmas de Gran Canaria où une minuscule annexe propulsée tranquillement par deux rames obstruait l’entrée du port. Dans ce petit gonflable, il y avait Léo. A cette époque nous ignorions que nous ferions un bout de chemin ensemble. Après la traversée Cap Vert/Martinique était venu le temps des adieux, puis les choses ont voulues que nos routes se superposent de nouveau. Cette fois encore, l’aventure aura duré plus de dix jours.

Dix jours pour approfondir une relation avec Léo, dix jours pour découvrir Basile. Basile a pris la décision de nous accompagner en deux minutes, c’est un garçon entier, pas du genre à hésiter. Il ne cache pas son côté brut et sauvage, limite asocial les premiers jours, il parle peu et passe le plus clair de son temps seul sur le pont à observer l’horizon. Quand il n’est pas sur le pont, il s’assied sur la plateforme arrière et joue de la guitare, son répertoire se limite à présent à deux morceaux maîtrisés: « les écorchés vifs » de Noir désir et « In the night » de Amparanoïa.

De ce point de vue, nos deux équipiers sont complémentaires, Léo répète ses gammes en douceur et en silence alors que Basile gratte plutôt façon manouche énervé. Parfois le carré de Goudrome se transforme en école de musique, parfois en atelier de couture. Le départ proche pour le Venezuela déclenche chez les deux compères une réorganisation complète de la garde-robe à la trousse de secours en passant par les bouquins,… Ils se cousent des poches intérieures, se fabriquent des petites pochettes, vident et revident leurs sacs dans le but de s’épargner une charge inutile.

Léo voyage très léger, son sac contient un duvet, un poncho, un slip, un tee-shirt, une petite pharmacie composée de produits naturels scrupuleusement sélectionnés. Basile transporte un sac proportionnel à sa guitare, et à sa façon de jouer. C’est qu’il transporte aussi sa cantine, des chaussures de grimpe,et une collection de produits de soin fait-maison complètement naturels allant du dentifrice à l'argile jusqu'à l'huile de millepertuis… Son meilleur remède reste l'urine.

Pour reprendre des mots simples issus de sa bouche : « mad and nomad » et « à l’arrache »,représentatifs du mode de survie qu’il s’impose courageusement. Il est quand même parti pour l’Inde à vélo, même si les frontières l’ont fait quitter le chemin terrestre à Istanbul. Là ils sont tout deux à six mois du départ, l’objectif est presque atteint : L’Amérique latine !

Pour nous, c’est un plaisir de partager ce bout de route grâce au cadeau qu’est Goudrome, et surtout on considère la rencontre comme un fruit. Un de plus en voyage. Jean-Michel, un copain qui a commencé à vivre après 50 ans disait très simplement « la richesse c’est les autres ! »(la fortune lui a sourit très tôt, absorbé par ses activités, il a été jusqu’à oublier de vivre…) . Les longues discussions philosophiques insufflées par Léo, les expériences et le regard de nos passagers et amis sont et seront désormais gravés dans nos mémoires. Bonne route les baroudeurs !

Notre sillage retrouve une légèreté qui doit être un symbole de liberté. Après diverses promenades, Laurène et moi partons à la découverte des fjords de la côte sud de l’île aux épices. Notre ancre semble plus lourde, nos journées paisibles se résument en une conversation : Laurène, à peine couverte d’un paréo, allongée sous un ventilateur, parcoure avec délice son 58 ème roman :
-Xavier ? (Xavier qui démonte tranquillement la troisième pompe à pied conservée à bord pour tenter d’en rendre une fonctionnelle)
-Oui ?
Laurène : -Tu te fais chier ?
Xavier : -Non, et toi ?
Laurène :-Non plus.

Les escales s’allongent un peu comme nous, c’est le repos du guerrier, le garage. Ce n’est pas plus mal, on découvre encore un tas de gens fantastiques, de toutes nationalités. Nous avons un point en commun : avoir marché longtemps, couru parfois, et nous voilà comme au bout du monde… Ce monde imaginaire que forment les Antilles.

Un peu plus au Sud, Trinidad où beaucoup trouvent un abri anti-cyclone avant de rejoindre leurs occupations respectives, le réel en quelques sortes. Au Sud Ouest les îles Vénézueliennes puis les ABC (îles hollandaises) sur la route de Carthagène et Panama, pour ceux qui comme Roel et Isa poursuivent la route vers le Pacifique (ils rentrent en Nouvelle Calédonie avec leurs deux enfants). A l’Ouest, d’autres mouillages comme celui de Hog Island, le théâtre d’un rendez vous barbecue hebdomadaire. On ancre à quelques brasses de la plage pour y manger du poisson grillé et y boit quelques bières fraîches en dansant au rythme du reggae local,les pieds dans l’eau.

Les soirées à Grenade sont tellement riches en souvenir que je me dois d’en partager quelques uns. Ainsi, un soir nous retrouvons Basile, Léo mais aussi Sylvain qui nous emmenait découvrir une cascade de nuit quelques semaines plus tôt à Sainte Lucie. Ce soir là, après un concert de Steel Band et une grande tablée de pizzas entourée d’italiens, nous partions en virée entre garçons au « Fantasia », un des deux clubs du coin. Vers 6h du matin, Roel avait pris le volant à Sylvain qui avait oublié le code de la route… Basile qui dormait dans le coffre du Pick-up s’était fait faire les poches et était tombé en voulant poursuivre ses agresseurs… Léo, lui, avait la lourde responsabilité d’éveiller Laurène pour lui annoncer que j’avais disparu… Laurène voyant Basile blessé et Léo plus blafard que jamais s’est fait du mauvais sang. Moi je m’étais endormi sur la route en pensant rentrer à pied (je ne savais pas où j’étais évidemment) avant de me faire gentiment éveiller puis ramener par la police…

Il y a deux jours, nous avions cinq invités à bord dont deux personnages : Jacques et Thierry, deux militaires de la marine nationale française en escale après une mission humanitaire à Haïti. Leur bâtiment, le Batral « Francis Garnier » est en fin de vie et l’un d’eux en fin de carrière. Tout deux croiseront l’Atlantique pour la dernière fois, les 1500 tonnes qui ont fait trembler les pontons d’Haïti vont être recyclées. Le « Francis Garnier » sera désarmé à son retour en France.

Hier, encore une soirée Mémorable : en fin d’après midi, une barge en aluminium nous approche et j’entends mon prénom. Ce sont Chico et Johan, deux français sympas rencontrés une semaine plus tôt qui nous emmènent pour une visite d’exception. On embarque sur cette barge de coast guard américain pour emprunter un chenal balisé un peu spécial : c’est une voie d’accès rapide à Calivigny Island… que nous empruntons à une vitesse que j’aurais bien du mal à interpréter (il y a 300 chevaux derrière l’engin, je n’ai jamais été si vite sur l’eau) mais que Laurène a l’air d’apprécier ! Oui, passer d’une île à l’autre en deux minutes c’est magique. Surtout quand quelqu’un vous attend pour prendre les amarres et qu’un véhicule encore plus spécial vous attend derrière la cabane de sécurité. Nous nous installons maintenant dans une petite voiture tout terrain ouverte (genre véhicule de green) et partons à la visite de cette île paradisiaque et complètement privée !

Il y a des plages de sables blancs protégées, des plages sauvages où viennent pondre les tortues, des singes, des perroquets, des centaines d’espèces de plantes (importées elles aussi, spécialement de Barbade). On commence la visite par la maison principale en arpentant des cloîtres voûtés à clair voie : réalisation de talent des compagnons charpentiers de France. Chaque détail est soigné, les sols composés de marbres italiens raffinés, les murs de pierres de parement de Carriacou, les toits recouverts de bois dense de Guyane… Le soleil en se couchant vient coiffer les toits pointus, on ne sait plus où l’on est !

Les moyens sont gigantesques, l’entreprise titanesque : des générateurs produisent l’électricité pour toute l’île y compris l’usine de production de béton installée provisoirement, des dessalinisateurs purifient l’eau, une cinquantaine d’hommes oeuvrent encore actuellement ( ils étaient 80 il y a peu, il y a un village pour les employés). C’est une vision moderne et tropicale d’un Versailles totalement indépendant, je n’ai jamais vu et encore moins imaginé une salle de bain si vaste et si luxueuse. Bref, une visite très intéressante qui passe des ateliers aux constructions en cours, et qui se finit autour d’une bière sur une terrasse sous laquelle les grottes grondent en se remplissant d’eau.

Moi j’ai le cerveau qui fume, quand Johan m’a parlé de ce qu’il faisait une semaine plus tôt (lui et son frère, les fils du propriétaire sont chargés de coordonner le projet) je lui demandais spontanément s’il avait du boulot… il m’en propose aujourd’hui ! (il faut voir le projet, ça demande réflexion : http://www.calivigny-island.com/

En attendant, nous sortons Goudrome de l’eau pour la troisième fois, à Carriacou où nous venons d’arriver après dix heures de près serré.


2 commentaires:

  1. Agent BSZ,

    Contrairement à l'ordre de mission pour Calivigny island que vous avez reçu ce matin, le CNGS a finalement, en raison de circonstances qu'il n'a pas à expliciter, décidé d'y envoyer l'agent VT. Pour votre part, vous êtes attendus demain matin 6h à Gdansk, pour une autre mission.

    Le CNGS

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  2. salut
    je vois que tu vis des histoires comme Gérard Lambert... mais ce n'est pas en mobilette
    bisous de toute la famille (maman est venue manger notre premier bbq. nous partons au carnaval de sars 1000 milliard de bisous cap'tain haddock et bien plus à ta chérie ;)

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