vendredi 29 janvier 2010

Rien de nouveau sous le soleil
















Le Rara Avis et Bel Espoir, la flotte du père Michel Jaouenn

"Capitaine Joël, apprennez à ce moussaillon à prendre correctement un amer"



Louis, Léo, Phillipe, Laurène


Mindelo nous apparaît, ou plutôt se laisse entendre depuis le mouillage… Xavier a du mal à rester en place, c’est que ça a l’air d’être la fête à terre. Il est minuit, nous venons à peine de poser l’ancre ; comme souvent je suis la voix de la raison, et préfère profiter d’une bonne nuit de sommeil avant de partir à la découverte de la ville.



Les échanges VHF en mer avec le Bel Espoir et le Rara Avis se matérialisent dès le lendemain :
Joël, le capitaine du Rara Avis nous convie à une petite visite de cette mythique goélette à trois mats de 30 mètres, construite en 1957, et nous faisons connaissance avec les 35 passagers à bord autour d’un dîner bien à l’image de leur communauté : le menu est simple et excellent (soupe de ratatouille en entrée, et cakes au thon préparé par la benjamine à bord, Vanille, 10 ans). Nous découvrons les motivations de chacun, l’équipage est composé de jeunes équipiers d’une part, et d’invités qui sont appelés stagiaires ; maman en vadrouille avec sa fille, septagenaires suisses tirés à quatre épingles en croisière, passionnés de voile, ou simples novices appelés par le grand large.

C’est une mixité incroyable, avec aussi et surtout beaucoup de jeunes de notre âge, des musiciens, bref plutôt des artistes en général. Le premier soir en leur compagnie nous conduit au Clube Nautico où les fêtards peuvent à nouveau trinquer. Il faut dire que Rara Avis est au même titre que Goudrome, un bateau sec !

Finalement ce ne sont pas les jeunes qui revendiquent liberté et tolérance qui sont les plus adaptables, mais bien nos seniors qui suivront jusqu’à tard dans la nuit, chantonnant Bob Marley à la guitare, accompagnés de fumeurs de ganja Cap Verdiens.

Le voyage est ainsi fait de surprenantes rencontres. Le Clube Nautico est un repère de voileux tour du mondistes qui ne manquent pas de nous ouvrir les yeux sur les possibilités de notre maison flottante. Xavier ne sait plus où mettre le cap, il veut mettre les voiles vers des contrées dont il n’avait jamais entendu parler avant de prendre son café avec un navigateur suisse. Ses yeux brillent à l’idée de passer le détroit de Magellan, et les canaux de Patagonie, ou de remonter le Mississipi jusqu’aux grands lacs…

Le Rara Avis finit lui aussi par mettre les voiles, ayant pris du retard dans son programme, malheureusement nous n’arriverons pas l’heure pour leur faire un dernier au revoir, et le regretterons beaucoup.
Heureusement, c’est la fête de la Saint Vincent, de plus le carnaval est proche et les répétitions se multiplient, les rues sont animées, le son de la batucada omniprésent et l’arrivée de Kayok et Khira ne devrait plus tarder. L’un est à Sal, l’autre à Sao Nicolau.

Nous verrons arriver ces derniers le lendemain. C’est toujours une joie de revoir ces têtes connues, Phil, Rico, Henrick et Léo, tous les quatre ramant vers nous dans leur petit dinghie et nous découvrons un nouvel équipier : Malik, un sénégalais de Sao Nicolau venu retrouver ses « frères et sœurs » de la communauté sénégalaise établie ici. Il a fait ses premiers essais à la voile, partagé entre la surprise de vomir tous ses repas, et l’amour naissant de ce mode de transport.
Et c’est reparti pour fêter les retrouvailles !

Il a bien fallut aussi célébrer mes 27 ans, en bonne et due forme s’il vous plait !
Dès le matin, j’ai eu le privilège de déguster un petit déjeuner de princesse, avec une fleur d’hibiscus dans mon jus de pamplemousse et deux très beaux dessins de Léa et Simon, les neveux de Xavier, arrivés comme par magie à bord du bateau.
Cette même journée nous sommes sortis quelques heures sur Goudrome en compagnie de Phil, Louis et Léo pour faire des manœuvres d’homme à la mer, avec un pare battage dans le rôle de la victime, et réussir une très belle sortie puis entrée entièrement à la voile. Peut-être aussi un prétexte pour m’éloigner des préparatifs…
Lorsque nous sommes revenus à notre place initiale, une fois assurés que l’ancre avait bien pris, c’est un flux tendu d’allers et venues en annexe qui a amené à bord tous les invités. Vingt au total, repartis méthodiquement entre le carré et le cockpit par un Xavier surexcité et comme à son habitude, endossant son rôle d’hôte parfait.
Chacun avait préparé une spécialité ; Roselyne une tarte au thon, Henrick un gâteau au chocolat, Bruno des acras, Suzanna et Néné chantonnaient des airs Cap Verdiens, mais Malik a mis la barre particulièrement haute en confectionnant un alphabet de beignets de bananes délivrant un message d’anniversaire dont je me souviendrais longtemps.
La veille il nous avait convié à une fête sénégalaise, où nous avions mangé assis par terre et avec les doigts du poulet très très pimenté et avions inventé d’improbables chorégraphies sur Youssou n’ dour. Malik lui-même ne résistant pas à la musique, courrait danser sans prendre le temps de finir son repas et en emportant sa cuisse de poulet sur la piste.

Merci aussi pour tous vos messages qui me vont droit au coeur... C'est bon d'avoir de vos nouvelles lorsque je me sens loin de vous.

Chaque midi, avec tout ce beau groupe, nous allons à la chasse aux repas toujours nouveaux et parfumés. La spécialité Cap Verdienne est la cachupa. Différente selon les heures de la journée, elle se mange aussi bien au petit déjeuner qu’au dîner, se compose de différentes fèves de haricots, d’un œuf frit, de viande en sauce ou de poisson grillé et a un prix défiant toute concurrence : 250 escudos, soit 2,50 euros.
Nous allons aussi régulièrement chez Awa, à la Praça Estrella, qui tient une cantine sénégalaise en plein air, et qui nous régale de Thieboudienne ou de Maffé, avec du jus de bissap pour calmer le piment.
Aujourd’hui même c’est Fred, un Cap Verdien, qui nous faisait découvrir un ragoût Brésilien dans un boui-boui qui n’a pas du recevoir de contrôle d’hygiène depuis longtemps… ou peut-être jamais !

Il faut voir Roselyne, Louis et Maurice s’accommodant de tous ces programmes téméraires, entourés des fameux boat people et des locaux !

Nous avons loué des scooters avec ses derniers pour s’offrir un aperçu de l’île. On pourrait dire que c’est le moyen de transport idéal pour parcourir les quelques 15 km mais les routes sont faites de milliers de pierres qui sont un véritable supplice pour le derrière du passager arrière (en l’occurrence, à 90% du temps, moi) et chaque fois que mes yeux se sont posés sur la route, j’ai aussi pensé au labeur des pauvres gens qui les ont posées. La curiosité nous a emmené jusqu’à Baia Dos Gatas, et celle de Xavier et Louis les a poussé à aller regarder le fruit de la pêche des locaux qui se trouvait à bord de leur embarcation. Ils sont revenus touts fiers, aussi fiers que s’ils les avaient pêchés eux même, avec deux grosses langoustes et une petite (déclinées en soupe de têtes pressées, cuites à la poêle avec du beurre persillé, puis re-soupe).
Le cœur de l’île est splendide, les abords du Monte Verde sont verdoyants, on y trouve des palmeraies et des serres qui abritent toutes sortes de légumes, à l’opposé des villages de pêcheurs balayés par le vent et le sable du sahara.

Enfin, pour finir, une petite constatation qui fait mentir notre guide Imray daté de 2003 et qui pourrait aider d’autres navigateurs. Il décrit, entre autre, peu de moyens de s’approvisionner en eau et se ravitailler, pas de moyen de retirer de l’argent, la méfiance par rapport aux nombreux vols et vantait les mérites d’une marina tenue par un allemand exemplaire… on peut dire que tout cela a bien changé !
Nous faisons attention à nos affaires, on ne laisse pas nos sacs sans surveillance à la plage, particulièrement le dinghie, mais cela est surtout du bon sens. Il y a plusieurs supermarchés en ville, et un marché couvert particulièrement bien achalandé, des boucheries, des boulangeries, un marché aux poissons, et même des cyber café ; on peut trouver de l’eau pour le bateau au quai des japonais ; il y a bien évidemment des distributeurs automatiques mais la plupart des commerçants acceptent les euros, et enfin, il faut absolument éviter cette marina qui, en plus d’être chère, est dirigée par une personne des moins aimables.
La morabeza, gentillesse, l’affabilité et le sourire cap verdien sont une réalité qui nous restera en souvenir de ce pays.

Demain, nous partirons à la voile sur Goudrome et Khira pour Santo Antao, l’île voisine située à 10 miles. On vous racontera.
Boa noite, até logo !

N.B. : Petite note un peu moins drôle ; Cette escale nous ouvre les yeux sur des réalités qui concernent l’immigration, le racisme, la misère et la pauvreté. Ma soirée d’anniversaire a été bouclée par la visite de la police maritime qui nous priait de faire évacuer les personnes de nationalité Cap verdienne sans raison (nous sommes pavillon français, et donc en France, c’est étrange mais c’est ainsi). L’entrée de la marina où nous laissons notre annexe moyennant paiement journalier, se voit refusée à Malik, pourtant muni d’un visa de 3 mois pour le Cap Vert, sans autre motif que sa couleur de peau. La construction de cette marina coupe court aux sources de revenus, aussi ridicules soient-ils, des enfants des rues qui gardaient autrefois les annexes. On est loin des drames que vous lisez tous les jours sur Haiti, mais le monde est injuste partout.

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