samedi 24 octobre 2009

De Pantelleria à Favignana










22 octobre Pantelleria-Favignana
Les prévisions sont super jusqu'au lendemain midi. On annonce 6 à 7 beaufort, mais en vent de travers, derniers préparatifs : acheter de l'eau, remplir un bidon de gasoil. Le départ est plutôt sympa : un type nous emmène en voiture chercher le bidon, tandis que le propriétaire de la bouée furieux la veille, nous invite à prendre un verre chez lui. Nous déclinons poliment et prendrons la mer à 12h30.


La navigation est une merveille, le vent puissant nous porter à une vitesse moyenne de 7 noeuds, et nous arriverons beaucoup plus tôt que prévu. A peine 10 heures plus tard, soit 75 miles parcourus, nous passons le phare de Favignana, et passons au près serré.
Bien toilé (pris 2 ris et un tiers de génois) nous fonçons, ce qui ne laisse même pas le temps à Laurène de vomir.
C'est face au vent et au moteur que nous nous rendons vers le port, la visibilité est très réduite par un gros grain, comme un rideau d'eau, de puissantes rafales nous indiquent que les deux panneaux solaires semblent vouloir abandonner le navire, et nous déplorons la perte d'une chaussette qui n'aura pas eu le temps de sécher.
Au GPS et muni du pilote côtier, nous nous dirigeons vers le plus enclavé des deux ports en voyant un second môle assurant plus de protection contre la houle.
Un homme sort du seul bateau allumé dans le port, génial, une paire de mains supplémentaires pour la manœuvre ! Il agite les bras et crie des trucs qui, mélangés au vent, ne nous arrivent pas aux oreilles. La manœuvre semble idéale, nous présentons l'étrave quasi face au vent, le long du môle,les défenses prêtes. Laurène est à l'avant, un aussière en main, prête à lancer mais le type refuse. Tout se complique, j'attache le premier bout qui vient, le noue au taquet et le lance au type qui fait mine de tourner sur une bitte d'amarrage mais le laisse filer, je bondis par dessus bord mais il est trop tard. Le vent nous pousse en arrière et fait tourner le bateau. Je saute à bord et pousse le levier plein pot en marche arrière pour éviter l'angle du quai, puis marche avant car la carte indique peu de fond plus au sud, et le moteur cale d'un coup. Sur le rail de fargue juste derrière le taquet, un bout est tendu et visiblement arraché. C'est la cause de l'arrêt du moteur. On l'a tous lu et entendu , attention au bout dans l'hélice du moteur !! et bien voilà, en plein dans mille, moteur bloqué, 1h du mat', le vent nous emmène vers les fonds de moins d'1 mètre, erreur fatale ! L'ancre est prête sur le pont, nous la larguons instantanément.
Cet événement transforme la suite en une longue lutte pour Laurène et moi.

Dans un premier temps, aidé par l'annexe, je rejoins le côté opposé du quai, pour y attacher une aussière et faire pivoter Goudrome. Ensuite une seconde puis une troisième en guise de garde, nous nous maintenons quasi parallèle au mur. Là, le vent tourne à l'ouest, et commence à nous pousser vers le flanc, où se trouvent des anneaux et des chaines dangereuses pour notre fragile embarcation.

4 heures su matin, je rejoins la vedette d'où sortais l'imbécile individu qui fût la cause de nos misères et lui demande de l'aide. Je me trouve sur une vedette de la Police Nationale en train d'éveiller un flic, endormi devant sa télé !!
Heureusement, je ne l'avais pas insulté, mais lui avait crié dans sa langue : "mille mercis, vas te coucher, notre moteur est foutu !"
Donc, cet illustre con, des traces d'oreillers plein le visage, est réquisitionné pour trouver de l'aide, et nous procurer des pare battages, le genre de modèle qui garnissent les vedettes austères de la Police Italienne.
Le voilà sur le quai face à Goudrome, avec un programme moins drôle à mater. Laurène et Xavier accrochés aux filiaires, qui repoussent gentiment le bateau quand il tente de s'approcher trop près ! Une voiture apparait au loin sur le port et nous sommes cinq à présent. Le jour ne s'est pas levé, mais nous voilà en mesure de procéder au déplacement de Goudrome sur l'autre angle du quai plus protégé de la houle qui se forme.

7 heures du matin, après un petit verre de vin de Pantelleria, qui fera office de somnifère, nous arrivons enfin à fermer les yeux, pensant cloturer cette histoire.

10 heures, un bruit nous éveille, c'est l'avant de la coque qui tape, suivi de près par les conseils dispensés par un vieux pêcheur borgne, qui lui, est sur le quai depuis l'aube faute d'être parti pour une partie de pêche.
Je plonge et libère l'hélice (Merci Florence d'avoir fait en sorte que les combinaisons se trouvent à bord). Le moteur démarre mais il a reculé de quelques centimètres et ne se trouve plus sur les supports prévus pour un fonctionnement idéal.
5 minutes plus tard, Massimo, le mécano du port, alerté comme le furent tous les locaux, étudie avec nous l'étendue des dégâts.
Nous essayons en vain de remettre en place le moteur, mais l'opération est repoussée à lundi et nécessitera une grue.

Notre mission est à présent de déplacer Goudrome vers un lieu plus sûr car le mistral menace. De nouveau, nous ancrons à l'aide de l'annexe et de toutes les chaines embarquées.

13h30, vue la réaction de la capitainerie (aucune solution), je lance un appel " PAN PAN " via la VHF, et j'obtiens rapidement rapidement les gardes côtes de Trapani. Quelques minutes plus tard, les gars de la capitainerie et un pêcheur improvisé remorqueur apparaissent et viennent à notre secours. Maintenant ce sont tous les jeunes du coin qui s'affairent à démêler et à transporter les dizaines d'aussières de l'autre côté du port.

16h30, fin de la galère. Nous nouons le dernier taquet quand le pêcheur remercié en bonne et due forme tombe à l'eau.
Il glisse en tentant de rejoindre son triporteur et se retrouve entre le quai et le bateau!
Les dix personnes présentes le feront jaillir de l'eau comme une bonite et l'aideront à sécher ses effets personnels (portable, papiers...).
Difficile d'y croire, le mistral souffle maintenant à plus de 40 noeuds!
Nous sommes rincés (Laurène couverte de bleus et Xavier complètement courbaturé!) et partons en quête d'une douche. C'est Amadéo, le vieux borgne, qui se trouve à nouveau sur notre chemin et qui nous emmène vers la douche la plus réparatrice, simplement chez lui.

Pour conclure, comme le dit le vieux proverbe africain, "dans chaque village il y a une poule blanche".

Si notre arrivée, nous a causé quelques déboires, ceci a quand même révelé des sentiments humains bons et généreux. Le pêcheur s'est littéralement mouillé pour nous mettre à l'abri, Amadéo, âgé de 80 ans, s'est réjoui de nous porter secours, et est même venu voir le moteur pour nous raconter sa vie. (ses 10 enfants, sa carrières, ses passions, croyances... etc)

Ses situations nous poussent à dépasser la langue et à aller bien au delà de nos limites!
La Sicile n'est malgré tout pour moi, que le théâtre de bouleversements. ma dernière visite s'était achevé sur le capot d'une voiture; plutôt renversante, elle a aussi eu des effets positifs comme un changement radical dans ma carrière. Dans l'adversité, Laurène et moi avons été très patients, plus soudés que jamais !

à l'heure qu'il est, Goudrome est en toute sécurité et je fais la vaisselle alors que les éléments se déchainent et Laurène dort comme un bébé. Qui vidi vici, l'aventure continue !

5 commentaires:

  1. je le savais bien qu'une combi de plongée c'est fait pour un bateau, pas dans un placard de st ouen

    RépondreSupprimer
  2. Évidemment, au 2ème paragraphe, il fallait lire "ce qui ne laisse même pas le temps à Laurène d'offrir son repas à la mer." Car vous avez bien que les princesses ne vomissent jamais!

    RépondreSupprimer
  3. En tous cas, bravo pour votre courage quand il faut affronter ce genre d'adversité, avec patience et savoir-vivre! Je suis admiratif et fier de vous à la fois! Et ça, après c'est que du bonus pour vous et votre entourage! Des bises et du soutient moral!

    RépondreSupprimer
  4. Putain ma Laurène, t'es une sacrée nana!!

    RépondreSupprimer